Page:Encyclopédie méthodique - Manufactures, T1, Attelier-Chaine.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
xix
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


anciennement en Egypte, & apporté en Grèce par Cecrops, y fit passer dans la suite les Athéniens pour les inventeurs de l’art de fabriquer les étoffes de ces différentes matières. Athènes fut long-tems renommée par toute la Grèce, pour son habileté dans la tisseranderie. Son territoire, les soins inconnus de nos jours, qu’on y prenoit des troupeaux, lui fournissoient les laines les plus estimées.

De ce que les Grecs enlevoient les toisons dans un tems de l’année où elles se détachoient avec le moins d’effort ; donc les Grecs manquoient alors de ciseaux : de ce qu’il est question dans Hésiode de la tonte des brebis ; donc on n’arrachoit plus la laine au tems de ce Poëte. Rien n’est moins conséquens : certainement on connoissoit les ciseaux dans l’Empire des Césars, & du tems de Pline on y arrachoit encore la toison des brebis dans certains cantons, quoiqu’on les tondit dans d’autres.

Il est bien dit que très-anciennement on travailloit les étoffes de bout, & que la chaîne en étoit verticale, comme celle de la haute Une. Cette méthode est indiquée d’après Posidonius, par Sénéque, qui se plaint que le même Posidonius ait laissé en oubli la méthode qui succéda à la précédente, celle de son tems, celle de nos jours, qu’Ovide a décrite avec autant d’exactitude que d’élégance.

Tela jugo vincta est : stamen[1] secernit arundo :
Inseritur medium radiis subtemen acutis,
Quod digiti expediunt, atque inter stamina ductum
Percusso feriunt inserti pectine denses.

On conjecture que ce sont les Egyptiens qui ont inventé le métier horizontal, & enseigné l’art de travailler assis ; mais on ne voit pas la raison d’en conclure que les étoffes devoient être bien mal conditionnées. Que l’invention du foulage en Grèce, soit due au Mégarien Nicias, ou qu’elle soit très-antérieure, ce qui est évident, assurément chez des peuples venus d’Egypte ou de Phénicie, où les Arts étoient si anciens & très-perfectionnés, on ne sauroit croire qu’au tems de Troye, les Grecs y fussent aussi ignorants qu’on veut nous l’insinuer. Par tout & sans réplique, Homere prouve le contraire ; & le passage suivant d’Hésiode suffiroit lui seul pour placer très-loin dans l’antiquité, la connoissance en Grèce des Arts les plus utiles, dont Pline & les détracteurs de nos jours ont trop souvent rapproché de son tems l’origine ou les découvertes. Alors (en hiver) aye soin, dit le Poëte, de se revêtir d’étoffes de laines (on en portoit donc de toile ?) & d’une longue robe ;

  1. Sur quoi j’observerai en passant que l’expression étain, estame, tirer à l’étam, comme celle étamine dans la préparation, l’emploi, le commerce des laines peignées & filées pour la fabrication des étoffes rases & seches, & quelquefois encore, comme il est à présumer que jadis cela se pratiquoit, pour la chaîne même des étoffes drapées ; que cette expression, dis-je, est venue du mot stamen, la chaîne de toute étoffe ; comme celui de subtemen, ou trama que rend le mot trame.