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ERRÂT A

douze verges, & à la largeur d’environ un pied. Ils ont gran4 foin que l’étoft"e foit par-tout d’une égale épaiffeur, & s’il arrive que l’écorce, ainû couchée, {oit plus mince dans un endroit que dans un autre , on en prend un morceau un peu plus épais pour le placer dans le vuide. L’écorce refte en cet état jufqu’au lendemain matin : alors la plus grande partie de l’eau qu’elle contenoit étant imbibée ou évaporée, les fibres adherent 1i bien enfemble , que toutes les couches fe levent de terre en une feule piece.

Après qu’on a ainfi levé la piece, on la pofe fur le côté poli d’une grande planche de bois préparée pour cet effet’ & les fervantes la battent avec ;de petits maillets d’environ un pied de long & de trois pou~es d’épaiffeur, faits d’un bois dur que les Infulaires appellent Jtoa. La forme de cet inftmment reffemble affez à un cuir carré de rafoir, excepté feulement que le manche eft un peu plus large, & que chacune des quatre faces eft fillonnée de rainures & de lignes préétnioentes, plus ou moins hautes & profondes : celles d’un côté font de la grofi’eur d’une petite ficelle ; les plus petites , de celle d’un fil de foie , & dans cet intervalle , les autres diminuent par degrés. Ils battent d’abord l’ecorce avec le côté du maillet où font lès plus groffes rainures, & ils frappent en cadence , comme nos forgerons fur leur enclume. L’écorce s’étend très-promptement fous les coups, & les rairoues de l’inftrument y laiffent l’empreinte d’&&n tiffu : on la bat fucceffivementavec les autres côtés du maillet, & l’on nuit par le plus uni’ alors l’étoffe fort achevée de la main de l’ouvrier.

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Quelquefois on applique plufteurs doubles de cette étoffe qu’on bat avec le plus uni du maillet ; dans ce cas, elle s’amincit, devient prefqu’aufii légere qu’une mouffeline ; & ils lui donnent le nom d’hoboo.

L’étoffe fe b’lanchit très-bien à l’air, mais elle acquiert plus de blancheur & de douceur lorfqu’on la lave & qu’on la bat derechef après qu’on ra portée. Il y a plufteurs fortes de cette étoffe , de différents degrés de fineffe , fuivant qu’elle eft plus ou moins battue fans être doublée. Les autres étoffes font auifi plus ou moins belles , fuivant qu’elles ont été battues ; mais elles dift’erent en même temps les unes des autres par les dift’érents matériaux dont elles font compofées.

On ne prend l’écorce de l’arbre à pain que lorfque les tiges font beaucoup plus loagnes & plus épaiffes que celle du figuier , qu’on emploie quand elles font plus jeunes. ·

Quand les Otahitiens veulent laver cette étoffe, après qu’elle a été portée, ils la font tremper dans une eau courante , où ils la laiffent pendant quelque temps , après l’avoir fixée au fond avec une pierre ; ils la tordent enfuite légérement pour en exprimer l’éau. Quelquefois, ils lui. donnent alors une nouvelle fabrication : ils en mettent plufieurs pieces l’une fur l’autre , & les battent enfemble avec le côté le plus raboteux du maillet. Elles deviennent d’une épaiffeur égale à celle de nos draps d’Angleterre, & plus douces & plus unies que ces draps, après qu’elles OJ1t un peu fervi, quoiqu’en fortant de deffous le maillet, elles paroiffent avoir été empefées.

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Cette étoŒe fe déchire quelquefois lorfqu’on la bat ; mais ils la raccommodent aifément , en y joignant un morceau avec une colle compofée de la racine du pea ; & ils font cette opération avec tant d’adretfe qu’on ne s’en apperçoit pas. Les femmes s’occupent auffi à enlever les taches, comme nos dames à faire de la broderie & des nœuds.

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