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Mais M. Bernoulli, outre les réponſes précédentes, ajoute qu’il paroît que M. Homberg a trop enfoncé le tuyau dans le mercure pour en tirer l’air ; celui de M. Bernoulli étoit preſque à fleur de mercure, qui en effet y eſt monté à 26 pouces ; ce qui eſt preſque la hauteur ordinaire ; outre que ce peu d’air reſtant dans le tuyau a notablement affoibli la lumière, comme M. Bernoulli l’a remarqué depuis ; ainſi moins il y a d’air, plus la lumière eſt grande & durable.

Quand le mercure de M. Bernoulli ne ſeroit pas bien pur, l’air ſeroit toujours la cauſe, ſinon naturelle, du moins efficiente du défaut de lumière, puiſque ce même mercure en produit étant enfermé ſans air dans le vide. Mais M. Bernoulli a trouvé un ſecret de le rendre net en le lavant bien avec de l’eau : on met ſur le mercure cette eau, environ la hauteur de deux pouces ; on agite fortement le mercure qui ſe mêle avec l’eau, puis on le laiſſe repoſer ; & il rejette à la ſurface l’eau ſale & noirâtre : on réitère la lotion juſqu’à ce que l’eau ne paroiſſe plus ou preſque point noirâtre, & alors le mercure eſt net. L’eſprit-de-vin le lave plus vîte & mieux que l’eau ; il s’eſt même trouvé un mercure fort épais, dans lequel il y avoit apparemment quelque matière huileuſe & ſulphureuſe mêlée avec ſes parties ; ce mercure n’eſt devenu aſſez net pour rendre de la lumière qu’à force de lotions d’eſprit-de-vin. Le mercure devient ſi pur par ce lavement même d’eau ſeule, qu’il rend quelquefois de la lumière, même dans une fiole pleine d’air ; mais cette lumière eſt foible.

Ce mercure ainſi bien purifié, laiſſe ſortir de ſes pores aſſez de matière ſubtile pour vaincre la réſiſtance de l’air.

Il faut bien ſécher le mercure ainſi lavé, en le faiſant paſſer par un linge net ; car la moindre humidité nuiroit à l’expérience.

Quelquefois le mercure même, après l’agitation conſerve en ſes pores une matière gluante cachée, qui en les fermant ou le rendant roides, empêche la matière ſubtile de ſortir, & par conſéquent la lumière de paroître. La roideur des pores peut faire cet effet ; car il faut que les pores ſe rétréciſſent ſouvent pour laiſſer paſſer cette matière ; or s’ils ne ſont pas flexibles, ils ne pourront ſe rétrécir. Cela étant, il paroît que le mercure qu’on dit être devenu lumineux par la diſtillation à travers la chaux vive, avoit cette roideur de pores cauſée par quelque matière gluante qu’il a laiſſée dans la chaux, en s’y filtrant & s’y purifiant par là ; & c’eſt à cette ſeule purification que M. Bernoulli en attribue la lumière, & non pas aux particules ignées de la chaux ; de plus ces corpuſcules ignées ne lui paroiſſent guère vraisemblables.

1o. Ces parcelles ignées deviendroient enfin inutiles par le fréquent uſage, comme on voit arriver aux autres phoſphores qui ſont lumineux par le moyen de ces particules ignées ; ainſi ce phoſphore perdroit enfin ſa vertu.

2o. Ces parcelles ignées aſſez petites pour ſe loger dans les pores du mercure, s’échapperoient, quand on ſecoueroit la fiole, par les pores du verre bien plus larges que ceux du mercure.

3o. Cela poſé, la lumière paroîtroit également dans la deſcente & l’aſcenſion du mercure.

Dans l’explication, au contraire, de M. Bernoulli, le mercure ne fait que prêter ſes pores étroits à la matière ſubtile ; dès que cette matière en eſt ſortie par l’agitation, il en revient auſſi-tôt d’autres par les pores du verre. Enfin M. Bernoulli gardoit depuis un an un de ces phoſphores, qui n’avoit encore ſouffert aucune altération. Il croit même qu’une liqueur auſſi peſante que le mercure, pourroit donner de la lumière ; & cela posé, ſi l’on pouvoit rendre l’or fluide, il ſeroit, ſelon lui, le plus propre à en donner, étant le plus peſant de tous les corps ; le plomb fondu même en pourroit donner, s’il étoit bien pur.

Quant au mercure qu’on rend lumineux en le mêlant avec du phoſphore artificiel, M. Bernoulli attribue cette lumière au phoſphore ſeul.

Toutes ces lumières artificielles ſont extrêmement délicates. Il n’eſt pas ſûr qu’en maniant une fiole, la ſueur de la main ne paſſe, quoiqu’en très-petite quantité, au travers des jointures du bouchon, & ne nuiſe à la lumière. Il faut être dans ces expériences ſcrupuleux, défiant, & en quelque ſorte ſuperſtitieux. Voici un exemple remarquable de la délicateſſe de ces phoſphores. M. Bernoulli avoit une fiole qui luiſoit parfaitement & également depuis ſix ſemaines ; une miette du liége qui la bouchoit s’étoit détachée & étoit tombée ſur la ſurface du mercure où elle nageoit. M. Bernoulli brûla cette miette de liége au foyer d’un verre ardent ; & le peu de fumée qui en ſortit, diminua conſidérablement & ſans retour la vivacité du phoſphore, où il n’étoit arrivé nul autre changement. Cette pureté dont la lumière a beſoin, fut ſouillée ; M. Bernoulli a offert à l’académie de purifier le mercure dont elle ſe ſert, & de le la renvoyer lumineux. La confiance apparemment qu’on avoit en ſa parole, a empêché qu’on n’exécutât ſa demande.

L’académie en eſt reſtée là jusqu’en 1723, que M. Dufay donna ſon ſentiment particulier, joint à l’hiſtoire ſuivante des ſentimens des ſavans ſur cette matière, & à une manière ſimple & facile de rendre les baromètres lumineux, qu’un vitrier