Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/352

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air du pays et de revoir ceux que j’aimais me sauva. C’est environ six mois après, le 8 juillet 1814, que nous fûmes mariés, Catherine et moi. M. Goulden, qui nous aimait comme ses enfants, m’avait mis de moitié dans son commerce ; nous vivions tous ensemble dans le même nid ; enfin nous étions les plus heureux du monde. Alors les guerres étaient finies, les alliés retournaient chez eux d’étape en étape, l’empereur était parti pour l’île d’Elbe, et le roi Louis XVIII nous avait donné des libertés raisonnables. C’était encore une fois le bon temps de la jeunesse, le temps de l’amour, le temps du travail et de la paix. On pouvait espérer en l’avenir, on pouvait croire que chacun, avec de la conduite et de l’économie, arriverait à se faire une position, à gagner l’estime des honnêtes gens, et à bien élever sa famille, sans crainte d’être repris par la conscription sept et même huit ans après avoir gagné. M. Goulden, qui n’était pas trop content de voir revenir les anciens rois et les anciens nobles, pensait pourtant que ces gens avaient assez souffert dans les pays étrangers pour comprendre qu’ils n’étaient pas seuls au monde et