Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/175

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Notre idéal ne va pas au delà. Tel est même à cet égard notre cécité que ce que nous ne possédons pas, nous sommes incapables de le soupçonner chez les autres. Le souffle vigoureux et régulier qui, sorti des larges poumons de la nation chinoise, fait fonctionner tous les organes ; la pensée énergique et saine qui, émanée de l’Académie comme de son cerveau, va partout porter le sentiment et la vie, ne nous paraissent que des influences mystérieuses, une sorte de pouvoir occulte dont il n’y a rien à prévoir et tout à redouter. La vérité est au contraire qu’en Chine la civilisation est si synthétique — toutes les institutions sont si bien fonction les unes des autres, si harmoniques que le pouvoir de l’État et le gouvernement sont presque nuls[1]. Voilà ce qu’il est absolument indispensable de comprendre ; et tant que nous ne nous en serons pas pénétrés, ne comptons pas entretenir avec la Chine des relations sûres et profitables. Attendons-nous, au contraire, à être joués et dupés, non par elle, mais par notre ignorance et la versatilité de nos gouvernements. Et pourtant de quelle importance ne serait pas pour nous une amitié comme la sienne, fondée sur une connaissance complète de sa constitution et de ses intérêts ! La Chine n’est pas une puissance militaire, non ;

  1. Il semble qu’il y a entre les États européens et l’État chinois la même différence qu’entre les écritures européenne et chinoise: la première alphabétique, analytique ; la seconde : idéographique, synthétique. Peut-être cela pourrait-il expliquer bien des choses