Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/52

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Hékabè, je pleure en vous voyant, toi et ta ville et ta fille qui vient d’être tuée. Hélas ! rien n’est sûr : ni la gloire, ni une constante prospérité ; et les Dieux confondent et troublent toutes choses, afin que, dans cette ignorance, nous les adorions. Mais à quoi servent des lamentations qui n’apaisent point les maux ? Pour toi, ne me reproche point mon absence, car, lorsque tu es arrivée ici, j’étais sur les frontières de la Thrèkè ; et, dès mon retour, je mettais déjà les pieds hors de mes demeures, quand je rencontrai l’esclave qui m’apportait tes paroles. Je les ai entendues, et je suis venu.

HÉKABÈ.

J’ai honte, Polymèstôr, de te regarder en face, plongée que je suis en de tels maux. Toi qui m’as vue heureuse, j’ai honte, dans l’état où je suis, de fixer les yeux sur toi. Ne pense pas, Polymèstôr, que ce soit par malveillance pour toi. Il est d’usage, d’ailleurs, que les femmes ne regardent pas les hommes en face.

POLYMÈSTÔR.

Certes, je ne m’étonne point. Mais que me veux-tu ? Pourquoi m’as-tu fait sortir des demeures ?

HÉKABÈ.

Je veux apprendre à toi et à tes enfants quelque chose qui me concerne. Ordonne à tes compagnons de se retirer de ces tentes.

POLYMÈSTÔR.

Allez ! Je suis en sûreté, seul, ici. Tu es, en effet, mon