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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/12

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Je n’ai à fournir à l’avance ni faux-fuyant ni excuses. Les personnages de ce récit vivent ou ont vécu : tous et toutes. Il n’y aura pas dans ces pages un seul fils de mon imagination. — Ce que je dirai, je l’ai vu. — Tout ce que je puis faire, c’est de changer les noms de ceux qui jouèrent autour de moi des rôles déshonnêtes ou seulement douteux.

Cela dit, j’entre en matière.

Je suis née au hameau de Saint-Lud, à deux lieues de Vire, en Basse-Normandie, vers 1819 ou 1820. Cela me donne trente-six ans à l’heure où j’écris. Quand je regarde en arrière et que je vois se dérouler les événemens de ma vie, il me semble que je dure depuis un siècle.

Le hameau de Saint-Lud est situé sur la route de Condé-sur-Noireau, petite ville commerçante, dont les habitans ne passent pas pour des aigles aux yeux des bourgeois de Vire. Il y a, en effet, dans le pays, un proverbe railleur qui se dit ainsi :

« À Condé-sur-Noireau,
On trouve les huîtres hors de l’eau. »

Ces huitres ne sont certes pas de la même nature que celles de Cancale ou d’Ostende, car cette innocente cité de Condé-sur-Noireau est à plus de quinze lieues de la mer.

Mais n’oublions pas que le Val-de-Vire est le père du vaudeville, et par conséquent né malin au plus haut degré.

Ce petit pays de Saint-Lud est un vrai para-