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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/16

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Quand elle m’avait bien fouillée, elle comptait m butin plutôt deux fois qu’une.

Jamais, au grand jamais, l’idée ne lui vint de me donner une piécette de deux liards, les jours de grande aubaine. En revanche, quand les voyageurs se montraient peu généreux, la heude de la Gorette faisait ses fonctions.

Dès que l’argent était compté, la Noué tournait son fuseau. C’était une travailleuse infatigable.

— À ta besogne, faillie ! me disait-elle en descendant le talus qui menait à la prée.

Ma besogne, je ne vous en ai point encore parlé. Pour courir après la diligence, j’avais déposé à la tête du pont ma grêle et ma torche.

La grêle est un panier carré, fait de bois taillé en larges lanières ; la torche est le coussinet qu’on pose sur son crâne pour le protéger contre le contact des fardeaux trop durs.

C’étaient, avec une petite palette de bois, les instrumens de mon état.

J’étais bousière.

Pour ceux qui ne connaissent point cette position sociale, je dirai que les bousiers et bousières du beau pays de France ne peuvent pas être évalués à moins de cent mille. Ce sont ces enfans ou adolescens des deux sexes qui vont le long des grandes routes ramasser ce que laissent tomber en passant, par suite de la loi de nature, les attelages ou bestiaux voyageurs. Cela fait de l’engrais.