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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/22

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non-seulement toute la famille, mais encore le monde entier.

La nuit, je rêvais de lui sans cesse. C’était presque toujours le même songe. Gustave m’apparaissait avec des ailes, comme les anges peints de la paroisse, et il m’enlevait dans les airs.

Quant à notre mariage, c’était chose absolument convenue. Nous l’avions fixé d’un commun accord à l’époque où j’aurais seize ans. Ma septième année n’était pas encore accomplie, mais Gustave m’avait dit : Le temps passe vite.

Et comme j’avais l’habitude de le laisser réfléchir pour moi, je ne m’inquiétais point.

Chaque fois que la Noué prenait sa terrible heude, je me disais : Bah ! le temps passe vite…

C’était précisément l’idée exagérée que j’avais de la puissance de Gustave qui m’empêchait de me plaindre à lui. J’allais jusqu’à mentir pour ne pas éveiller cette colère que j’avais vue si terrible le jour où l’homme de loi m’avait poursuivie. — Une fois Scholastique m’avait donné de l’argent pour aller à Saint-Lud faire remplir une bouteille où elle mettait son tabac. Je perdis l’argent et je rapportai la bouteille vide. Scholastique me jeta contre l’angle d’un bahut, et je me fis une blessure à la joue. Le lendemain, quand Gustave vint au rendez-vous, je le vis pâlir.

— Qui t’a fait cela, Suzanne ? me demanda-t-il.