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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/25

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MADAME GIL BLAS

que j’avais surpris ce secret-là, Scholastique m’aurait étranglée.

Elle se couchait toujours la première. Je lui portais dans son lit une grande écuelle de la contenance d’une pinte, toute pleine de cidre chaud avec du miel et du poivre. Elle buvait cela à petites gorgées, tandis que le bonhomme, cloué sur son grabat, la contemplait d’un air de convoitise, puis elle se mettait à ronfler violemment jusqu’au jour.

Je ne crois pas que Dieu ait jamais fait une créature aussi souverainement haïssable.

La journée était finie, mais non point sans peine. — J’allais me coucher aux pieds du bonhomme, dont les jambes paralysées, humides et froides comme du marbre, glaçaient mes flancs.

Gustave ne savait point cela et ce n’était pas Scholastique qui me l’avait ordonné. Le pauvre perclus se réchauffait à mon contact et souriait de plaisir ; j’étais payée.

Les délices de ma couche n’étaient pas faites pour me rendre paresseuse. Le premier rayon de soleil mettait en lumière toutes les souillures de la loge, qui semblait pleine toujours d’une sorte de vapeur épaisse. Je me glissais dehors, afin de me baigner un peu dans l’air libre.

Mais il me fallait rentrer bien vite, afin de préparer la teutée de la Noué. Je n’engage personne à goûter de ce mets que ma marraine aimait passionnément. La base de la teutée est