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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/27

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MADAME GIL BLAS

moi : la pitié du sort de ma mère et un vague tourment de deviner mon père. On trouvera que cela vint bien tard. Je dis les choses telles qu’elles sont.

Je m’échappai un matin pour aller au bord du Rioux, à l’endroit où la pauvre diote s’était noyée. Je pleurai abondamment. Il me semblait voir un corps blanc dans les glaïeuls.

Le dimanche suivant, je regardai les hommes à l’église. Je vis Ducros, l’homme de loi, qui détournait de moi ses gros yeux. Le bedeau me sourit ; le métayer de la Liriays me donna une tape sur la joue. L’un des trois était-il mon père ?

Un jour, vers ce temps-là, et c’est de ce jour que je date ma vie agissante, Gustave me dit :

— Il nous faudra de l’argent pour nous marier, Suzanne.

— Ah ! fis-je, en as-tu de l’argent, mon parrain ?

— Je vais en ramasser, me répondit-il.

En le quittant, je pensais :

— Si j’en ramassais, moi aussi, de l’argent !…


III

Ma tirelire. — Le premier sou de ma dot. — Les amours de la Noué.

Tant que dura le jour, je songeai à cela ; le soir également ; la nuit, je ne pus fermer l’œil.