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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/29

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MADAME GIL BLAS

parler de ma dot, mais la peur me prit qu’il ne vînt à mettre son veto. Je n’aurais pas su lui désobéir.

À onze heures, quand la première diligence passa, mon cœur battit bien fort. C’était une grande épreuve. Ma combinaison, comme disent les Parisiens habiles, était-elle praticable, oui ou non ? J’allais le savoir.

Jamais la Noué ne m’avait vu jeter ma torche et ma grêle d’une si grande ardeur. Je bondis jusqu’au milieu de la route et d’une voix éclatante :

 « Charitais, s’i vous plaît,
Pou l’amou di bon Diais ! »

Je n’implorais pas, j’exigeais. Cette diligence m’appartenait. Ces voyageurs étaient mes tributaires. Charitais ! charitais ! pour l’amou di bon Diais ! Cela sonnait comme si j’eusse dit : la bourse ou la vie !

J’amusai les voyageurs qui se montrèrent généreux. J’eus sept sous depuis le bas de la côte jusqu’en haut, où je fis une belle révérence pour témoigner ma gratitude.

Puis je me couchai par terre pour reprendre haleine, suivant ma coutume. J’en avais besoin. Mais je ne manquai pas de choisir, pour me reposer, l’endroit où j’avais creusé mon trou carré, sous la motte de gazon. Je pris la motte aux cheveux, je la soulevai, je glissai un sou dans le trou.

Eh bien ! j’ai remporté quelques victoires en