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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/30

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ma vie, de grandes victoires assurément, en égard à ma faiblesse et à mon point de départ : je ne me souviens pas d’avoir jamais triomphé au dedans de moi-même avec autant d’enthousiasme. Quand je remis la motte de gazon, ma tête était en feu, mon cœur défaillait.

Sous ce petit carré d’herbe était la fortune de Gustave et mon bonheur.

Il n’y avait encore qu’un sou, mais je l’aurais défendu au prix de tout mon sang.

Certes, je n’aurais pas su vous dire peut-être : ceci est ma vie, mon avenir, ma liberté ! Mais je jure que je le sentais aussi vivement qu’aujourd’hui.

La Noué ne se douta de rien. Je ne m’étais pas arrêtée plus longtemps que d’ordinaire au haut de la côte, et je rapportais six sous : bonne aubaine.

Il passait deux grandes diligences chaque jour, sans compter les messageries départementales. Ces dernières donnent peu. Les voyageurs de clocher à clocher ne sont pas prodigues. Mais, enfin, je ne peux pas évaluer à moins d’un franc par jour le bénéfice que la Noué tirait de moi. Là dessus, je prélevai désormais la dîme. Tous les soirs, mon trésor s’augmentait de deux ou trois sous.

Si j’ai un conseil à donner aux avares, c’est de suivre mon exemple. Il n’y a pas de cachette plus sûre que la marge d’une grande route, pourvu