Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/32

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choir de cou et fourra une autre pièce blanche dans sa poche. Je ne vis point Gustave. Je pris de la tristesse et j’eus envie de mourir.

La Noué revint plus tard que la veille. Elle avait le teint rouge et la voix rauque.

Je l’entendis cette nuit qui remuait son argent dans sa paillasse.

Le jour suivant, au lieu de faire sortir les vaches, je la suivis par les prairies. Les haies et les saussaies me cachaient ; d’ailleurs, elle était sans défiance.

Il y avait, à un quart de lieue de la loge, sous le parc du beau château de la Liriays, un bouchon misérable et mal hanté qui ouvrait sa porte basse sur un chemin de traverse. Je vis la Noué qui entrait dans ce cabaret. Je restai cachée dans les broussailles qui bordaient le bas chemin. Un instant après, Ducros, l’homme de loi, parut, cheminant à travers champs. Il entra, lui aussi, dans la guinguette.

Mon cœur se serra ; j’eus frayeur, sans savoir pourquoi. Mais la curiosité me talonnait, plus forte que la crainte. Je quittai mon poste, je fis le tour du cabaret et me mis en observation derrière la haie de ronces qui entourait le jardinet. La Scholastique et M. Ducros étaient attablés déjà devant une large mesure d’eau-de-vie, dans une chambrette donnant sur le jardin. L’homme de loi lui tenait la main ; la Noué l’écoutait les yeux baissés. Il voulut l’embrasser,