Aller au contenu

Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
MADAME GIL BLAS

elle lui planta un solide soufflet sur la joue ; mais ceci n’est pas toujours un refus en Basse-Normandie.

D’autant mieux qu’ils se remirent à boire paisiblement après avoir trinqué.

Je m’enfuis, et cette vague épouvante que je ressentais ne me quitta point. Je sortis les vaches et fis ma besogne. Ce soir-là, en rentrant, Scholastique était si contente, qu’elle voulut me donner du cidre chaud et du tabac.

Je savais désormais comment gagner une demi-heure sur le repas de mes pauvres vaches. Le lendemain, après le départ de Scholastique, je pris le chemin de la maison du Theil. Je trouvai en route Gustave, qui venait voir si j’étais malade. Je ne lui dis rien du secret que j’avais surpris ; je lui dis seulement le surcroît de besogne qui me tombait sur les bras.

— Le temps marche, me répondit-il. Patience !… J’ai déjà étrenné ma tirelire.

Puis, s’arrêtant au milieu de la route pour me regarder :

— Voilà trois jours que je ne t’avais vue, Suzanne. Il me semble que tu as grandi et que tu as embelli… Si un autre plus riche que moi t’aimait, est-ce que tu m’oublierais ?

Je levai sur lui de grands yeux étonnés.

Puis je lui jetai mes deux bras autour du cou en pleurant et en disant :

— Ah ! mon parrain, voilà une mauvaise pensée !