Aller au contenu

Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
MADAME GIL BLAS

Elle avala d’un trait l’énorme rasade et posa le litre sur la table.

— Qu’est-ce qu’il t’a dit, le prêcheux ? reprit-elle.

Et sans attendre la réponse, elle ajouta : On va avoir affaire à lui… tu seras bientôt de noce… Ah ! ah ! ils croyaient qu’on resterait toujours fille !

Je compris, à l’orgueil brutal qui éclatait sur ses traits, que l’homme de loi avait enfin fixé l’époque du mariage.

— Bonsoir, petiote ! dit-elle tout à coup en me faisant un signe de tête amical ; je l’entends qui vient… ne parle pas de ça… Bonsoir, bonsoir !

Elle disparut derrière la serpillière. Mais elle s’était trompée. L’homme de loi ne venait pas.

Je l’entendis qui se couchait. Une heure entière se passa.

J’avais le frisson et je ne pouvais dormir. Chaque fois qu’elle se retournait dans son lit, je tressaillais de la tête aux pieds.

Au bout d’une heure elle se révéla et vint boire à même au litre d’eau-de-vie.

— Dors-tu ? me dit-elle.

Je fermai les yeux et ne répondis point.

— Il n’est jamais venu si tard que ça ! grommela-t-elle.

Un premier doute lui traversa l’esprit, car ses sourcils se froncèrent tout à coup. Elle ouvrit la porte et se prit à écouter au dehors.