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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/47

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MADAME GIL BLAS

s’échappa de ses mains. Elle s’affaissa sur elle-même, éclatant en sanglots.

— C’est lui ! c’est lui ! dit-elle ; il ne m’aimait pas ! il m’a volée !

Tout son corps se contracta horriblement. Elle se roula dans d’effrayantes convulsions, tandis que sa bouche pleine d’écume râlait :

— C’est mon argent qu’il voulait !… mon argent !

Un invincible engourdissement me tenait enchaînée. C’était comme un de ces cauchemars que donne la fièvre. Il fallait un choc puissant pour m’éveiller.

Le choc vint.

Je sentis comme un collier glacé autour de mon cou : c’était la main du paralytique.

Je vis avec un indicible effroi son visage livide auprès du mien. Sa voix, que je n’avais jamais entendue, — une voix étrange et qui n’était pas de ce monde, — murmura tout près de mon oreille :

— Va-t’en, Suzanne… va chez le jeune prêtre… dis-lui qu’il vienne m’enterrer demain… et ne reviens jamais ici !

La vue d’un mort sortant de sa tombe ne m’aurait pas frappée plus violemment.

La main étendue du bonhomme Lodin me montrait la porte que Scholastique avait laissée ouverte. Je me glissai hors du lit et je gagnai le seuil en chancelant.