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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/50

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PAR PAUL FÉVAL

L’idée me vint qu’on m’accuserait d’ingratitude, mais cela ne m’occupa point.

M. Guéruel nous fit entrer, Gustave et moi, dans sa maison. C’était un homme sévère et intéressé, mais il avait de l’honneur.

Gustave allait avoir bientôt dix-sept ans. Jusqu’alors, il s’était montré beaucoup moins avancé qu’on ne l’est à cet âge. Peut-être son intimité avec moi contribuait-elle à cela. C’était un enfant : l’abbé Daudel avait eu raison de le dire. M. Guéruel s’attendait sans doute à quelque propos d’enfant.

— Patron, lui dit-il dès que la porte fut fermée, — je suis le frère aîné de cette petite fille-là… Je suis son père, pour parler mieux… et je serai son mari dans quelques années… Voyez l’état où elle est… On l’a frappée… on a fait pis… je ne dirai pas ce qu’on a fait, parce que cela s’est passé dans la maison de mon père… Elle ne peut plus rester où elle est ; je vais l’emmener avec moi.

Ce petit discours fut prononcé d’un ton si grave que je me demandais en l’écoutant si c’était bien mon parrain qui parlait.

Guéruel se mit à rire.

— La Noué n’est donc pas si sainte qu’on le dit ? murmura-t-il.

— Je n’ai pas prononcé le nom de ma sœur, répondit Gustave presque sévèrement ; laissons, s’il vous plaît, ma sœur de côté.