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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/56

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PAR PAUL FÉVAL

sommet de la montée suivante, je battis des mains en poussant un cri de plaisir. Nous laissions la Liriays sur notre gauche ; un autre château, d’un aspect seigneurial, se dressait à mi-côte, vers le gros bourg de Viessois, notre paroisse, que je n’avais jamais vue. Devant nous, la route se déroulait comme un long ruban, à travers la plaine, les taillis, les guérêts. On apercevait jusqu’à deux ou trois clochers dans la campagne.

— Que le monde est grand ! m’écriai-je.

Gustave sourit d’un air de supériorité. Ce n’était pas un novice comme moi : il avait été une fois jusqu’à Vire.

Tout à coup, je tressaillis à un bruit trop familier à mon oreille. Il était onze heures et un quart. La diligence était à l’heure ; elle arrivait, descendant la côte au grand galop. Mon premier mouvement fut de jeter là mon paquet, comme je faisais de ma torche et de ma grêle, pour courir à la portière.

Mais je me retins, et ce fut avec un vif sentiment de fierté que je vis passer la voiture sans psalmodier mon refrain de mendiante. On trouvera peut-être mon orgueil mal placé en songeant que l’épaule de Gustave fléchissait sous le poids de la charitais demandée, mais c’était comme cela.

Par contre, j’avais grande peine à ne point m’arrêter, chaque fois que nous rencontrions une belle bouse ou un tas de crottin avantageux.