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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/59

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MADAME GIL BLAS

offensant et pénible que produit le patois de la Basse-Normandie, bavardé par un chœur de maquignons. Le picard, l’alsacien, le gascon, l’auvergnat, tous ces terribles accens, ennemis naturels de l’oreille, peuvent passer pour mélodieux en comparaison de cette criarde et lamentable cacophonie.

On buvait, on mangeait, on marchandait, on fumait. L’atmosphère, épaisse et chaude, s’imprégnait de miasmes violens. Heureusement que je n’étais pas une petite-maîtresse.

Chose remarquable ! il n’y a pas de basses dans ces concerts des bords de l’Orne ou de la Vire. On ne sort du ténor plaintif que pour tomber dans le castrat suraigu. Si quelque note grave surgit de l’ensemble, on peut être bien sûr qu’une ménagère y fait sa partie. J’ai vu des maquignonnes parler comme Lablache, au milieu d’un cercle de gros maquignons montés en fifres.

Notre entrée ne fit aucune espèce d’effet, je dois l’avouer. Gustave avait eu grand tort de se troubler : on ne nous accorda pas la moindre attention. Du premier coup d’œil on avait pu voir que nous n’achèterions point de bestiaux et que nous n’en avions point à vendre.

Nous nous assîmes modestement au bas bout de la table et nous attendîmes.

Il est temps que je dise un peu quel était notre équipage.

Gustave avait meilleure mine que moi, mais