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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/60

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PAR PAUL FÉVAL

cependant je n’étais pas trop mal couverte pour une fille de mon âge. J’avais de bons petits souliers à semelles de bois, des bas de coton bleu, un jupe d’épluche rayée et une cotte d’indienne un peu trop juste. Je portais le bonnet de coton sur l’oreille. Les bourgeoises parisiennes qui n’ont vu cette coiffure que sur la tête de leur mari ne peuvent deviner combien elle est coquette et crâne sur le front d’une jeunesse normande.

Gustave avait un chapeau de paille à larges bords, une veste courte en coutil bleu et un pantalon de toile. Son élégance naturelle donnait de la tournure à tout cela. Il avait presque l’air d’un petit monsieur.

L’odeur des ratatouilles arrivait jusqu’à notre bout de table, et nous mettait l’eau à la bouche.

On ne venait point à nous.

Deux servantes, coiffées comme moi du casque à mèche national, s’essoufflaient à servir les autres pratiques. Gustave avait appelé déjà deux ou trois fois, mais si bas qu’on ne l’avait point entendu.

Ce fut moi qui découvris le talisman à l’aide duquel on pouvait attirer l’attention des deux servantes.

Je vis que les maquignons frappaient sur leur verre. Il y en avait un devant nous. Je carillonnai dessus avec mon eustache et tout aussitôt, du fond de la cheminée, une voix de tonnerre s’éleva :

— Voyez voir ! dit-elle.