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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/61

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MADAME GIL BLAS

Je parlais de Lablache. Lablache n’était qu’un flageolet auprès de la mère Guenée, maîtresse et souveraine de la Descente des maquignons, au bon bourg de Viessois.

C’était une femme énorme, avec des sourcils noirs et des cheveux gris coupés ras comme ceux d’un homme. Elle était assise sous le manteau de la cheminée, les sabots au feu, le ventre passé dans la concavité d’une petite table chantournée qui lui servait de comptoir.

De là, elle dominait son monde ; de là, elle gouvernait son royaume.

— Qui vous faut ? demandèrent à la fois les deux servantes en accourant vers nous.

Je regardai Gustave qui rougit jusqu’au blanc des yeux.

Décidément, j’étais la plus forte.

— De ça ! répondis-je d’un ton résolu en montrant la terrine fumante du groupe le plus voisin.

— Couchez-vous ?

— Pardienne !

— V’là qu’est bon !… comment qu’on vous nomme ?

— Gustave et Suzanne Lodin.

L’une des servantes était allée nous chercher notre provende. Celle qui m’interrogeait cria :

— Une couchée ! Gustave et Suzanne Lodin !

L’énorme bonne femme prit un cahier couleur de graisse et se mit à inscrire nos noms.