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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/62

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PAR PAUL FÉVAL

On était au commencement de 1832, et la police des routes se faisait en toute rigueur.

— D’où qu’ous venez ? demanda encore la servante.

— De Saint-Lud.

— Et qu’ous allez ?

— À Vassy.

— De Saint-Lud à Vassy ! cria la fille.

Ce fut tout. Gustave me contemplait avec une profonde admiration.

— Tu as vite fait de répondre, toi ! me dit-il, non sans une légère nuance de jalousie.

On nous apportait notre plat.

Je remarquai en ce moment un petit vieillard d’honnête mine qui était seul de son écot, sur le même banc que nous ; et qui me faisait signe de la tête bien amicalement. Je le montrai à Gustave, qui me dit :

— Faut se méfier dans les auberges !

Le petit vieillard cligna de l’œil et sourit en le regardant.

— Voilà qui sent bon ! dis-je en parlant de notre plat ; ça doit faire un fier ragoût !

— Oui, oui, dit auprès de moi une voix doucette ; quant à bien cuisiner, maman Guenée est connue pour ça…

Je me retournai. C’était mon petit vieillard souriant qui s’était glissé tout doucement le long du banc et qui avait apporté auprès de nous son morceau de lard, son pain et sa chopine. Il