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ROLLAN PIED-DE-FER[1].

IV.



S

ur un geste de Rollan, le commandeur s’arrêta. Le courrier sourit avec calme.

— Messire Gauthier, dit-il, je crois que nous ne nous entendons pas.

Le commandeur revint aussitôt, triomphant. Il voyait déjà Rollan à ses pieds, implorant son aide, et se demandait s’il ne valait pas mieux profiter de la détresse de cet homme pour s’en faire une créature, que de l’écraser tout à fait.

— Que veux-tu m'apprendre encore ? demanda-t-il d’un ton radouci.

— Rien ; je veux seulement vous faire souvenir. Vous oubliez trop vite qu’il n'y a plus ici de vilain : nous sommes tous deux égaux et gentilshommes : Avaugour et Penneloz.


— Pauvre fou ! dit le commandeur en haussant les épaules.

— Je me trompe, en effet, reprit Rollan ; il est entre nous une différence : je suis puissant ; vous êtes faible.

— Sur ma parole, s’écria Gauthier en éclatant de rire, voici notre situation respective merveilleusement définie !… Maître, tu es habile charlatan, et sais tirer bon parti d'une pitoyable cause. Intrépide et rusé comme tu parais l'être, je ne donnerais pas un écu tournois de ma tête, si tu possédais certains titres…

Gauthier s'arrêta ; sa physionomie se rembrunit. Rollan passa négligemment la main sous le revers de son pourpoint.

— Mais tu ne les as pas, poursuivit le commandeur en reprenant son sourire ; tu ne peux pas les avoir : Dieu ou l'enfer seuls…

Il n’acheva pas ; sa bouche resta béante et convulsivement agitée : Rollan avait retiré sa main et montrait l’étui de métal trouvé dans les vêtements de Julien d’Avaugour. D’un coup d'œil le commandeur reconnut cet objet ; un blasphème sourd s’arrêta dans son gosier ; il frissonna de tous ses membres.

— Qui t’a donné cela ? s’écria-t-il en s’élançant pour saisir l’étui.

Rollan le repoussa et fit jouer le ressort.

— Voilà mes titres, dit-il.

  1. Voir page 289.