Page:Féval - Rollan Pied-de-Fer (1842).pdf/20

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306 LA SYLPHIDE. D Réponds s'écria encore Gauthier de Pennelez, qui lui saisit violemment le bras, lui, Julien, est-il donc revenu? Il est mort. - Alors, tu as le pouvoir d'un dénon! murmura le commandeur, dont l'esprit était en proie à la confusion la plus complète. Voici mème, reprit Rollan, en choisissant un parchemin parmi les autres, voici l'acte qui me donne et confère, au nom de la confrérie, le titre de connétable de Bretagne. Ces derniers mots semblèrent frapper le commandeur comme un trail de lumière. Sa tête se releva; les rides de son front disparurent; tous ses traits, bouleversés naguère, reprirent instan- tanément une apparence de calme diplomatique. - - Quoi! demanda-t-il, les lettres patentes aussi ? Rollan approcha le parchemin; le commandeur le parcourut en affectant une grande cu- riosité. En effet, dit-il avec toutes les marques du plus vif dépit, l'acte est authentique ; voici jusqu'à ma propre signature! Maitre, de quelque source que vous teniez ces titres, vous avez là de fortes armes. Malheur à qui lutterait contre vous ! Puis, donnant à sa voix une inflexion de franchise insinuante, il ajouta : - Pour moi, je me rends et m'avoue vaincu d'avance; je fais mieux réunis, les partisans d'Arangour et de Penneloz forment la majorité des états comme celle de la population; sans savoir quels sont vos projets, je vous propose mon aide et mon amitié. Rollan garda le silence. Le commandeur, croyant qu'il hésitait, ôta son gant et lui tendil la main. Le courrier recula d'un pas. - -Gauthier de Penneloz, dit-il d'une vois grave, en se dressant de toute sa hauteur; étant en péril de mort, j'ai juré que, si Dieu me prêtait vie, Julien d'Avangour, mon seigueur et mon frère serait vengé. Je tiendrai mon serment. Mais l'heure n'est pas venue; j'ai présentement un autre devoir à remplir point de paix; guerre ou trève, je vous laisse le choix. Un fugitif et imperceptible sourire erra sur la lèvre du commandeur. - Trêve! s'écria-t-il avec empressement; contre un ennemi tel que vous, mon cousin, la guerre vient toujours assez tôt. Les deux interlocuteurs s'avancèrent ensemble vers la porte; sur le seuil, le commandeur s'in- clina, el dit avec une gaieté feinte, sous laquelle perçait une baineuse et narquoise arrière pensée: Si nul autre que moi, désormais, ne vous conteste votre qualité, vous mourrez chevalier d'Avaugour, messire Rollan Pied-de-Fer... Je prie Dieu qu'il vous garde. Quelques secondes après, enfourchant son cheval, qu'un page tenait en bride à la porte exté- rieure, Gauthier ajoutait à part lui: Merci pour ta trève, insolent vassal! En récompense, je veux te garder ma parole: il ne tiendra pas à moi que tu ne meures gentilhomme, el sous peu. A peine de retour à son hotel, le commandeur, sans perdre le temps à faire préparer ses équi- pages, donna quelques ordres concernant Reine de Goello et partit pour Paris, suivant les traces de MM. de Gondy et de Pontchartrain. Pendant les quelques jours qui suivirent, Rollan ne manqua pas d'assister aux séances des etats; cette période fut marquée par plusieurs mesures vigoureuses, prises par l'assemblée, dans l'intérêt de la conservation des franchises bretonnes. Bientôt Rollan, connu de tous sous son nom J'emprunt, dut perdre toute inquiétude : l'espèce de notoriété publique qu'il s'était acquise, jointe a l'existence entre ses mains de litres incontestables, mettait son usurpation à l'abri de toutes al- taques Jean de Rieux lui-même, revenant sur son assertion première, et niant l'identité du Bevalier d Avaugour, eut trouvé, malgré sa renommée de vérarité scrupuleuse, plus de contra- dicteurs que d'adhérens. Reine de Goëllo attendait toujours la venue du chevalier, son époux. Au temps où Gauthier de Penneloz espérait encore une décision favorable de la cour de Rome, touchant l'annulation de ses varus, il avait, en demandant la main de sa pupille, annoncé vaguement la mort de Julien d'A- vaugour; mais la jeune femme avait repoussé bien loin ce qu'elle croyait être un grossier men- songe. Son amour était grand et sincère; le temps avail peine à tuer son espoir. La dame d'Avaugour n'avait point entretenu son époux depuis plus de deux années. Le sou- venir de ees nocturnes rendez-vous, où le bonheur légitime s'embellissait de tous les charmes du mystère, lui revenait sans cesse. Elle connaissait le noble coeur de Julien, et ne craignait point Source gallico.bnf.fr/Bibliothèque nationale de Franco