ROLLAN PIED-DE-FER[1].
V.
Pour Rollan, sa nature physique avait considérablement fléchi. Ce n’était plus ce seigneur au martial aspect, que nous avons vu jadis dominer les états de Bretagne, et imposer silence d’un geste à la foule ameutée. Ces douze années avaient opéré en lui un changement extraordinaire : ses reins s’étaient voûtés, son front chauve se penchait vers la terre. Tous croyaient que cette vieillesse anticipée était le fruit de ses travaux excessifs : il avait tant fait pour le bien-être de la province ! Rollan, depuis douze ans, était comme la providence des états ; les trois ordres avaient en lui si grande confiance, qu’il n’aurait eu qu'à vouloir pour saisir la puissance suprême ; mais, nous l’avons dit déjà, son esprit vaste et supérieur à toute égoïste pensée avait compris que le bonheur de la Bretagne n’était pas dans l’indépendance absolue ; il avait deviné dès longtemps l’avenir précaire d’un petit pays enclavé entre deux grands royaumes, sympathisant avec l’un toujours, et forcé de s’allier sans cesse avec l’autre. Mais s’il ne voulait point la scission, il prétendait conserver intacte et entière l’indépendance relative établie
- ↑ Voir page 305.