ROLLAN PIED-DE-FER[1].
II.
Les Frères bretons, un œil fixé sur Paris, l’autre sur l’Angleterre, attendaient avec impatience l’occasion d’engager la lutte. Ils ne doutaient en aucune façon du succès ; leur unique embarras était le choix d’un duc. Il y avait alors grand nombre de familles tenant, soit par agnation, soit par alliance, au vieux trône ducal. Rohan, Rieux, Goello, Avangour, pouvaient faire valoir des droits presque égaux ; après eux, venaient les Penneloz de Kermel, descendance prétendue des vicomtes de Porhoët ; les Botherel, les Fergent de Coatander, et une foule d’autres maisons que des titres contestables, parfois une simple ressemblance de nom, portaient à se mettre sur les rangs. Entre tous ces prétendants, trois seulement avaient des chances, c'est-à-dire des partisans. Les Rohan étaient trop sérieusement occupés à Paris, par les intrigues de la Fronde, pour voir clair à ce qui se passait en Bretagne ; les Rieux, cette superbe race, se tenaient à l'écart avec un silencieux dédain. Restaient donc Julien d’Avaugour, unique héritier du nom ; Reine de Goëllo, fille du dernier comte de Vertus, et Gauthier de Penneloz, commandeur de Kermel. Celui-ci, devenu chef de famille par la mort de son aîné, postulait à Rome et près du conseil de l’ordre, à Malte, pour obtenir l’annulation de ses vœux.
Julien, chevalier d’Avaugour, avait un fort parti ; ses preuves étaient simples et claires : il écartelait de Bretagne, et ne portait point, comme les Goello, la barre de bâtardise en son écusson. Personnellement, c’était un noble et vaillant jeune homme ; il avait beauté, hardiesse, fortune et générosité, ces vertus nécessaires du chef de parti ; mais sa jeunesse s'était passée en Allemagne et à Paris ; ses ennemis demandaient s’il n'avait point dérogé ainsi à sa qualité de Breton. Bien peu le connaissaient. Lorsqu’il revint à Rennes en 1647, accompagné de Rollan Pied-de-Fer, il ne se fit voir à personne, et gagna presque aussitôt le château de Goello. Le commandeur y résidait en ce moment avec sa pupille, Reine de Goello : on crut que Julien d’Avaugour désirait s’abou-
- ↑ Voir page 257.