Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/151

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se passait au milieu de la semaine à la fin de laquelle notre fuite devait avoir lieu. Nous nous rendîmes comme à l’ordinaire aux champs où nous appelait notre travail respectif, le cœur vivement agité de notre entreprise dangereuse. Nous tâchâmes de dissimuler nos sentiments autant que possible, et je pense que nous y réussîmes bien.

Après une attente pénible, arriva enfin la matinée du jour dont la fin était destinée à être témoin de notre départ. Je saluai ce jour avec joie, quelque triste que pût être le résultat de notre tentative. Pourtant, j’avais passé sans dormir la nuit du vendredi au samedi. J’avais probablement plus d’inquiétude que les autres, car j’étais d’un commun accord à la tête de l’affaire. La responsabilité de la réussite, bonne ou mauvaise, pesait tout entière sur moi. La gloire de l’une et la honte de l’autre m’étaient également réservées. Je n’avais jamais passé deux heures telles que les deux premières de cette matinée là, et je désire ne jamais en passer de pareilles. Nous allâmes de bonne heure au champ comme à l’ordinaire. Nous répandions l’engrais, et, comme nous étions ainsi occupés, un sentiment inexprimable vint tout à coup me saisir. Je m’adressai à Sandy qui était près de moi, et lui dis : « Nous sommes trahis ! — Eh bien ! me dit-il