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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

fois le pays natal et lui faire les derniers adieux ; puis elles reviennent prendre place au milieu de leurs compagnes, et babiller sans doute de leurs espérances, de leurs appréhensions, tout en s’apprêtant à la grande expédition par un examen soigneux des plumes lustrées une à une. Après plusieurs répétitions de ces touchants adieux, un gazouillement plaintif annonce l’heure fatale. C’est le moment, il faut partir. D’un essor désespéré, les voyageuses s’élancent ensemble vers le sud.

Les hirondelles de cheminée se donnent rendez-vous, à l’époque du départ, sur un arbre défeuillé, et presque toujours par un temps pluvieux. La troupe émigrante se compose de trois à quatre cents. L’hirondelle de rivage fait route, d’habitude, avec elles pour l’aller et le retour.

XXX

LE MARTINET. — L’ENGOULEVENT

Paul. — Le martinet est cette grande hirondelle toute noire qui vole par troupes, les soirs d’été, en jetant des cris aigus. La chasse aérienne aux insectes est sa profession. Il a le bec très court, mais largement fendu, le gosier ample, toujours enduit d’une viscosité tenace qui retient le gibier saisi, des ailes longues et pointues qui lui permettent de franchir en un moment de fougue quatre-vingts lieues à l’heure, des yeux perçants qui distinguent un moucheron à cent mètres et plus de distance. Tout insecte qui s’aventure dans les hautes régions est perdu ; le bec ouvert du martinet est un filet vivant, filet qui s’avance impétueusement à sa rencontre et l’engloutit. Si l’oiseau a des petits, quelque temps il entasse ses captures dans ses abajoues, puis il rentre au nid, pour distribuer la becquée avec son large gosier gonflé de mouches, de papillons et de scarabées.

Quelle extermination d’insectes crépusculaires les martinets ne font-ils pas, lorsque leurs bandes criardes vont et viennent en des circuits sans fin, dans la sérénité d’un ciel rougi par le soleil couchant ! Quelle impétuosité de vol ! quels élans dans l’espace ! quel entrain ! On en voit qui voltigent au