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velles provisions sont apportées ; je nettoie l’ouverture tantôt en l’absence de l’abeille, tantôt en sa présence lorsqu’elle travaille à sa mixtion. Ce qui se passe d’insolite dans le magasin dévalisé par la base ne peut lui échapper, non plus que la brèche maintenue ouverte au fond de la cellule. Malgré tout, pendant trois heures consécutives j’assiste à cet étrange spectacle : l’hyménoptère, très actif pour son actuel travail, néglige de mettre un tampon à ce tonneau des Danaïdes. Il s’obstine à vouloir remplir son récipient percé, d’où les provisions disparaissent aussitôt déposées. Il alterne à diverses reprises le travail de maçon et le travail de récolteur ; il exhausse par de nouvelles assises les bords de la cellule ; il apporte des provisions que je continue à soustraire pour laisser la brèche toujours en évidence. Il fait sous mes yeux trente-deux voyages, tantôt pour le mortier et tantôt pour le miel, et pas une fois il ne s’avise de remédier à la fuite du fond de son pot.

À cinq heures du soir, les travaux cessent. Ils sont repris le lendemain. Cette fois je néglige le nettoyage de l’orifice artificiel et laisse la pâtée suinter d’elle-même peu à peu. Finalement l’œuf est pondu et la porte scellée, sans que l’abeille ait rien fait en vue de la ruineuse brèche. Un tampon lui serait pourtant chose aisée ; une pelote de son mortier suffirait. D’ailleurs, quand le godet ne contenait encore rien, n’a-t-elle pas à l’instant bouché le trou que je venais de faire ? Cette réparation du début, pourquoi n’est-elle pas renouvelée ? Ici se montre en pleine lumière l’impossibilité où est l’animal de remonter un peu le cours de ses actes. Lors de la première brèche, le godet