Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins d’effet que la piqûre d’un cousin. C’est là, du moins, ce que l’on peut affirmer pour la grande majorité des Araignées de nos pays.

Quelques-unes pourtant sont à craindre ; et de ce nombre, d’abord la Malmignatte, si redoutée des paysans corses. Je l’ai vue s’établir dans les sillons, y tendre sa toile et se ruer avec audace sur des insectes plus gros qu’elle ; j’ai admiré son costume de velours noir avec taches d’un rouge carminé ; j’ai surtout entendu sur son compte des propos fort peu rassurants. Aux alentours d’Ajaccio et de Bonifacio, sa morsure est réputée très dangereuse, parfois mortelle. Le campagnard l’affirme, et le médecin n’ose pas toujours le nier. Aux environs de Pujaud, non loin d’Avignon, les moissonneurs parlent avec effroi du Théridion lugubre, observé d’abord par L. Dufour dans les montagnes de la Catalogne ; d’après leur dire, sa morsure amènerait de sérieux accidents. Les Italiens ont fait renommée terrible à la Tarentule, qui provoque chez la personne piquée des accès convulsifs, des danses désordonnées. Pour combattre le tarentisme — ainsi s’appelle la maladie suite de la morsure de l’Araignée italienne — il faut recourir à la musique, seul remède efficace, à ce que l’on assure. On a noté des airs spéciaux, les plus aptes à soulager. Il y a une chorégraphie et une musique médicales. Et nous, n’avons-nous pas la tarentelle, danse vive et sautillante, léguée peut-être par la thérapeutique du paysan des Calabres ?

Faut-il prendre au sérieux ces étrangetés, faut-il en rire ? Après le peu que j’ai vu, j’hésite. Rien ne dit que la morsure de la Tarentule ne puisse provoquer, chez les personnes faibles et très impressionnables, un