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succèdent, je ne dirai pas au hasard, car chacune d’elles est déterminée dans le temps par des causes impossibles à démêler, mais à l’imprévu de notre jugement, guidé par telle et telle autre considération.

Si nous n’avions pas été dupes d’une logique trop étroite, peut-être aurions-nous pressenti ce résultat. Les œufs sont déposés dans leurs cellules respectives à peu de jours, à peu d’heures d’intervalle. Que peut une si faible différence d’âge dans l’évolution totale, qui dure une année ? La précision mathématique est ici hors de cause. Chaque germe, chaque larve a son énergie propre, déterminée on ne sait comment, et variable d’un germe à l’autre, d’une larve à l’autre. Suivant qu’il favorise celui-là, ce surcroît de vitalité, don de l’œuf encore dans l’ovaire, ne peut-il, à l’éclosion finale, faire précéder l’aîné par le plus jeune ou le plus jeune par l’aîné, et reléguer au second rang les effets d’une chronologie minutieuse ? Parmi les œufs que couve la poule, est-ce bien toujours le plus vieux qui éclôt le premier ? De même la larve la plus vieille, logée dans l’étage du fond, n’arrive pas, de préférence à toute autre, la première à l’état parfait.

Un autre motif, si nous avions plus mûrement réfléchi sur le sujet, aurait ébranlé notre foi dans un ordre de rigueur mathématique. La même nichée formant le chapelet de cocons d’un bout de ronce, contient à la fois des mâles et des femelles, et les deux sexes sont répartis au hasard dans la série totale. Or il est de règle chez les hyménoptères que les mâles sortent du cocon un peu plus tôt que les femelles. Pour l’Osmie tridentée, cette avance est d’environ une semaine. Ainsi, dans une