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confond. Mais, n’est-ce pas là l’invariable conclusion où nous amène toujours l’étude de l’instinct ?

En laissant tomber un œuf sur le miel, l’Anthophore vient donc de déposer en même temps dans la cellule l’ennemi mortel de sa race ; elle maçonne avec soin le couvercle qui en ferme l’entrée, et tout est fait. Une seconde cellule est construite à côté pour avoir probablement la même fatale destination ; et ainsi de suite, jusqu’à ce que les parasites plus ou moins nombreux, qu’abrite son duvet, soient tous logés. Laissons la malheureuse mère poursuivre son infructueux travail, et portons notre attention sur la jeune larve qui vient de se procurer le vivre et le couvert d’une si adroite manière.

En ouvrant des cellules dont le couvercle est encore frais, on finit par en trouver où l’œuf, pondu depuis peu, porte un jeune Sitaris. Cet œuf est intact et dans un état irréprochable. Mais voici que la dévastation commence : la larve, petit point noir qu’on voit courir sur la surface blanche de l’œuf, s’arrête enfin, s’équilibre solidement sur ses six pattes ; puis, saisissant avec les crocs aigus de ses mandibules, la peau délicate de l’œuf, elle la tiraille violemment jusqu’à la rompre, et en fait épancher le contenu, dont elle s’abreuve avec avidité. Ainsi le premier coup de mandibules que le parasite donne dans la cellule usurpée, a pour but de détruire l’œuf de l’hyménoptère. Précaution très logique ! La larve de Sitaris doit, comme on va le voir, se nourrir du miel de la cellule ; la larve d’Anthophore qui proviendrait de cet œuf réclamerait la même nourriture ; mais la part est trop petite pour toutes les deux ; donc, vite un coup de dent sur l’œuf