Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

.......et jusque dans la fange,
L’insecte nous appelle et, certain de son prix,
Ose nous demander raison de nos mépris.

Pourquoi ces deux vers et demi dans ma mémoire, et rien de tout le reste ? Parce que le Scarabée et moi étions déjà des amis. Ces deux vers et demi m’inquiétaient ; je trouvais fort saugrenue l’idée d’aller vous loger dans la fange, vous les insectes, si propres de costume, si corrects de toilette. Je connaissais la cuirasse bronzée du Carabe, le justaucorps en cuir de Russie du Cerf-volant ; je savais que les moindres d’entre vous ont des reflets d’ébène, des éclats de métaux précieux ; aussi la fange où vous vautrait le poète me scandalisait-elle un peu. Si M. Racine fils n’avait rien de mieux à dire sur votre compte, autant valait se taire ; mais il ne vous connaissait pas, et de son temps à peine quelques-uns commençaient à vous soupçonner.

Tout en ruminant pour la prochaine leçon quelque passage de l’ennuyeux poème, je me faisais à ma guise un autre genre d’éducation. La Linotte était visitée en son nid sur quelque touffe de genévrier à ma taille ; le Geai était épié, cueillant le gland à terre ; je surprenais l’Écrevisse toute molle encore après avoir fait peau neuve ; je m’informais de l’époque exacte de l’arrivée des Hannetons ; j’étais à la recherche de la première fleur de Coucou épanouie. L’animal et la plante, poème prodigieux dont un vague écho s’éveillait en ma jeune cervelle, faisaient très heureuse diversion à l’alexandrin sans chaleur. Le problème de la vie et cet autre, aux lugubres effrois, le problème de la mort, par