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L’EXODE DES ARAIGNÉES

industrie sait obtenir des fils de platine qu’on ne peut voir qu’en les portant au rouge par la chaleur. Avec des moyens bien plus simples, la petite Épeire tire de sa tréfilerie des cordelettes que l’illumination par le soleil ne parvient pas toujours à faire soupçonner.

Ne laissons pas toutes les ascensionnistes échouer au plafond, parages inhospitaliers où la plupart périront sans doute, incapables de produire un autre fil avant d’avoir mangé. J’ouvre la fenêtre. Un courant d’air tiède, venu du réchaud à pétrole, s’échappe par le haut de l’ouverture. Des aigrettes de Pissenlit, prenant cette direction, m’en avertissent. Les fils flottants ne peuvent manquer d’être entraînés par ce flux et de se développer au dehors, où souffle un vent léger.

Avec de fins ciseaux, je romps sans secousse quelques-uns de ces fils, visibles à leur base épaissie d’un second brin. Le résultat de ma section est merveilleux. Suspendue au filament aéronautique que le vent du dehors emporte, l’Araignée franchit la fenêtre, brusquement s’envole et disparaît. Ah ! la commode façon de voyager si le véhicule avait un gouvernail qui permît d’atterrir où l’on veut ! Jouets des vents, où prendront-elles pied, les mignonnes ? À des cent, à des mille pas de distance peut-être. Souhaitons-leur bonne traversée.

Le problème de la dissémination est maintenant résolu. Si les choses, au lieu d’être provoquées par mes artifices, se passaient dans la liberté des champs, qu’adviendrait-il ? C’est visible. Acrobates et funambules de naissance, les jeunes Épeires gagnent le haut d’un rameau afin d’avoir au-dessous d’elles une étendue libre suffisante au déploiement de leur appareil.