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POUR QU’ON LISE PLATON

la plus odieuse. L’amour est le désir du plaisir qu’on se figure que doit procurer la beauté. La beauté est une promesse de plaisir. L’amour est l’élan de l’être vers ce plaisir, vers la réalisation de cette promesse. S’il en est ainsi, l’amour sera nécessairement jaloux, tyrannique et persécuteur, puisqu’il est la poursuite d’un bien dont on craint furieusement qu’on soit privé ou que l’on craint que d’autres possèdent et vous dérobent. L’amant est un gourmand qui ne l’est que d’un seul mets qu’il ne veut partager avec personne. Lui-même, donc, en soi, est défiant, irascible et méchant et essentiellement insociable. L’amant est tout naturellement l’ennemi du genre humain. Voilà déjà qui est un triste objet.

Mais, de plus, l’amant est et ne peut être que très désagréable et très funeste à ce qu’il aime. Dans son désir de possession et pour assurer cette possession, il voudra être en tout supérieur à l’objet de son amour. Il le voudra ignorant et sot pour qu’il n’ait pas d’yeux pour les autres, d’abord, et pour qu’il ne voie pas les défauts de l’amant. L’ignorance et la sottise et d’autres imperfections encore plus honteuses « réjouiront l’amant s’il vient à les rencontrer dans l’objet de son amour, et dans le cas contraire il cherchera à les faire naitre dans son âme, et s’il n’y réussit pas, il