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POUR QU’ON LISE PLATON

qu’elle est inutile, comme l’art de souffler des bulles d’eau savonneuse.

C’est même dire qu’elle n’existe pas ; car que serait une faculté de l’âme qui n’aurait pour but que de s’exercer ? Je ne sais pas si l’on pourrait l’appeler une faculté. Ce serait plutôt une manière d’être.

Si je les presse, ils vont plus loin ou croient y aller et ils me répondent, avec une certaine hésitation : « Considérée en elle-même, comme art et en tant qu’art, la rhétorique est bien l’art de persuader et n’est aucunement autre chose ; c’est sa définition réelle, personnelle, si l’on veut, par métaphore ; mais cela ne l’empêche pas d’avoir un but. Son but est de persuader ce qui est utile à l’orateur, et l’orateur ne s’y instruit que dans ce dessein et pour atteindre ce but-là. En soi la rhétorique est donc l’art de persuader ; en son but elle est l’art de persuader ce qu’il est utile que l’orateur persuade. »

Je leur réponds : « Ce qu’il est utile que l’orateur persuade ? Utile à qui ? A l’orateur ou aux autres ?

— A l’orateur d’abord, comme nous l’avons déjà dit, et aux autres ensuite, si l’on veut.

— Ah ! C’est que ce sont là deux choses très différentes et qui changent la nature même de la