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POUR QU’ON LISE PLATON

rhétorique, selon que l’on prend en considération l’une ou l’autre ou l’une plutôt que l’autre. S’il s’agit de ce qui est utile à l’orateur, votre rhétorique est un art analogue à la rouerie du flatteur, à l’astuce du quémandeur ou aux prestiges du charlatan ; et ce n’est pas ce qu’un honnête homme appelle un art ou du moins ce que moi j’appellerai de ce nom. — Et s’il s’agit de ce qui est utile aux autres, en vérité ce n’est pas l’art de persuader que notre homme aurait dû apprendre ; c’est la science de la justice et la science du bien ; car il n’y a que la justice et le bien qui soient utiles aux hommes considérés en masse.

De sorte que votre orateur, s’il ne songe qu’à être utile à lui, n’est qu’un filou ou quasi filou très vulgaire ; et, s’il songe à être utile aux hommes, devrait être avant tout un philosophe, un moraliste, un détenteur et un possesseur de la morale.

D’où il suit que la voyez-vous, votre rhétorique ? Selon le but qu’on lui assigne, elle se dissout dans la coquinerie ou elle s’absorbe dans la morale et, des deux façons, elle disparaît ; il n’en reste rien. C’est qu’au fond et en soi elle n’est rien du tout. Vous voyez bien qu’il était utile de la définir selon son but, puisque selon son but elle est ou ceci ou cela et toujours quelque chose qui n’est pas elle. Or si