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POUR QU’ON LISE PLATON

blique, et c’est-à-dire que nous leur rendrons le service de les contraindre à être ce qu’ils doivent être et ce qu’ils sont en vérité, puisque, quand ils ne sont pas cela, ils ne sont rien et seulement s’imaginent être.

Cette brillante théorie de Platon sur les rapports de l’art avec la morale a de la beauté, comme il n’est pas besoin de le démontrer ; elle a même du vrai et beaucoup de vrai. Il me semble qu’elle n’a besoin que d’être un peu rectifiée, pour être complètement acceptable et pour sortir, si l’on me permet de parler ainsi, son plein et entier effet. La vérité sur les rapports de l’art avec la morale me paraît être dans une classification des arts, qui tiendrait compte de l’objet particulier de chacun et du genre particulier d’attrait qu’il doit avoir, de plaisir qu’il doit procurer. — Partons de l’exemple qui est le plus familier à tout le monde, partons du genre dramatique. La foule exige très nettement du genre dramatique qu’il ne soit pas immoral, et même qu’il soit moral dans une certaine mesure et excite aux sentiments nobles. Pourquoi ? Pourquoi demande-t-elle au dramatiste ce qu’il est très évident qu’elle ne demande pas à un peintre ? Car jamais personne n’imaginerait de dire à Salvator Rosa : « Voilà un rocher qui n’a rien de moral », à un sculpteur : « Voilà un