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POUR QU’ON LISE PLATON

torse qui n’excite pas à la vertu », et à Rossini : « Voilà un andante qui n’a rien de purifiant » Cela serait trop absurde ; on n’y songe pas. Pourquoi cependant y songe-t-on quand il s’agit de poésie et particulièrement de poésie dramatique ?

Car, remarquez-le bien : on passe encore condamnation assez uniment quand il s’agit de littérature proprement dite. Il y a peu de personnes pour s’indigner de l’immoralité de La Fontaine ou de l’indifférence de La Fontaine à la morale ; mais dès qu’il s’agit de Molière on devient sévère et, d’autre part, quand il s’agit de prouver leur thèse du beau se confondant avec le bien, les Cousin s’écrient : « Voyez Corneille ! » D’où vient cette contradiction qui fait qu’à une extrémité de l’art on peut être amoral et qu’à l’autre extrémité il faut absolument être moral ou tout au moins tenir de la moralité un très grand compte ? Car il n’y a pas à se le dissimuler : la foule est exactement, sur ce point, de l’avis des Cousin : jamais on ne pourra lui faire adopter, accepter une pièce à tendances immorales ou peu morales.

Cela vient, ce me semble, de ce que le poète, et particulièrement le poète dramatique, — nous verrons plus loin pourquoi ce particulièrement, — peint des âmes et non pas des fleurs. Le but de