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POUR QU’ON LISE PLATON

qui rend sa démarche incertaine, indécise et toujours lourde. Pièces à thèse, poèmes à thèses et peintures à thèses sont des thèses mal présentées et des œuvres d’art gauches. Et ce sont ainsi des ouvrages qui manquent tous leurs buts et principalement celui de moraliser.

Pourquoi le lecteur de tous les temps aime-t-il très peu qu’on l’endoctrine et qu’on prétende l’édifier par des œuvres d’art ? C’est certainement un fait. Le même homme, très honnête et droit et amoureux de vertu, qui aime les moralistes, qui aime les prédicateurs, qui admet très bien qu’on le prêche et qui même le recherche, ce même homme est ennuyé par une œuvre d’art qui prétend exciter à la vertu et qui montre trop que c’est là son but. « Je ne bâille pas au sermon ; je ne bâille qu’au pseudo-sermon. »

Pourquoi cela ? D’abord, peut-être, parce que cet homme a le sentiment de la distinction des genres et, s’il n’aime pas une comédie mêlée de drame, un poème épique mêlé de burlesque et un roman mêlé de dissertations, aime moins encore une tragédie qui est un traité de morale et veut chaque chose en son lieu et à sa place ; et c’est un sentiment qui n’est pas d’une grande profondeur ; mais qui est estimable : le sens de la distinction des genres et l’horreur de la