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POUR QU’ON LISE PLATON

confusion des genres est la marque d’un esprit droit.

Mais, de plus, il y a probablement dans cet nomme un autre sentiment très juste. Nous n’aimons pas qu’on nous trompe, même dans de très bonnes intentions, et nous voulons qu’on joue franc jeu avec nous. Qu’on nous prêche, nous le voulons bien ; qu’on s’adresse à notre sentiment du beau, nous le voulons bien ; mais non pas qu’on nous prêche en feignant de ne vouloir que nous plaire et par un détour. Il y a là une petite supercherie, une petite mystification et une petite hypocrisie. C’est cette feinte si facilement démêlée qui nous déplaît. On a bien un peu prétendu nous tromper, on a bien un peu voulu se moquer de nous. On nous a pris pour des enfants. Oui, c’est précisément l’idée de Platon si magnifiquement traduite par Lucrèce. C’est le procédé des médecins enduisant de miel le bord du vase qui contient un remède amer. Mais précisément nous ne sommes pas des enfants et nous ne voulons pas être trompés. Nolumus decipi, même pour être sauvés. Nous préférons le breuvage amer présenté franchement et bravement, et nous ne voulons pas trouver les maximes d’Epictète dissimulées dans un roman.

Cette crainte et cette répulsion à l’endroit de la supercherie et cet amour des situations nettes me