Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
POUR QU’ON LISE PLATON

simplement, ce me semble, du désir de plaire à tes concitoyens. Honneurs, gloire, cela se ramène à être cité, nommé, désigné du doigt comme un homme qui a fait des choses qui ont plu et qui plaisent encore. N’est-ce pas cela ?

— C’est certainement cela, et me voilà accouché. Je t’en remercie.

— Au fond donc, le but de l’artiste est de plaire, et la fin de l’art est de plaire, et l’œuvre d’art est faite pour plaire ?

— Evidemment, et il n’y a que cela.

— Je n’en crois rien du tout, mon très reconnaissant ami.

— Comment donc ?

— Mais ne vois-tu pas que ai l’artiste songe à plaire, il ne s’inquiétera point de son goût à lui, mais du goût de ses concitoyens ?

— Il se pourrait.

— Non seulement il se pourrait ; mais il est inévitable. Et comme le goût de ses concitoyens est très mêlé, a du bon et du mauvais ; comme aussi il est très variable ; l’artiste d’une part devra mettre du bon et du mauvais dans son goût à lui, et d’autre part suivre l’humeur changeante de la foule, courir après ce qui s’appelle la mode, s’essouffler en cette poursuite. Je voudrais savoir, après qu’il aura mis dans sa manière de concevoir le beau la