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POUR QU’ON LISE PLATON

patrie. L’Église, ou un ordre monastique, renonce à la propriété individuelle et à la famille, pour établir entre ses membres une solidarité étroite et une fraternité absolue et, par ces moyens, pour être fort. Platon fait d’avance de même, avec une singulière puissance de prévision, ou plutôt avec une singulière pénétration de psychologue, de moraliste et de politique.

Seulement, au lieu du vœu de chasteté, à quoi il n’aurait pas fallu songer parmi les Grecs, il institue la communauté des femmes, qui certainement n’est pas la même chose, la chasteté en pareille affaire étant la véritable force, mais qui, ne le dissimulons pas, n’est pas chose si extrêmement différente ; d’une part procédant du même principe, à savoir du mépris de la femme ; d’autre part ayant en partie les mêmes effets, c’est-à-dire interdisant au prêtre-soldat le foyer et la famille, et le réservant ainsi à sa tâche, et le forçant à n’avoir et à ne connaître d’autre famille que son armée, et en définitive le laissant moine. Un moine à qui il serait permis quelquefois de consentir aux exigences de son tempérament, mais à qui du reste toute union durable avec une femme et toute paternité seraient interdites, comme toute fortune, comme toute propriété, comme toute aisance, voilà le guerrier de Platon.