Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
POUR QU’ON LISE PLATON

s’il était vivant encore et tout présent ; et c’est qu’il l’est en effet.

Le stoïcisme tout entier dériva de lui avec sa conviction que la force morale est la seule force qui compte et que la richesse morale est le seul bien qui ne soit pas une misère, et avec son profond mépris des puissances selon la chair et selon la force, et avec son idée, hautaine et vraie, que non seulement le philosophe devrait être roi du monde, mais qu’il l’est au moins en dignité ; c’est-à-dire que la pensée domine le monde en tant qu’elle survit à tout ce qui pour un temps l’opprime ou croit l’opprimer.

Le christianisme a dépassé Platon en ce qu’il a mis l’idée de bonté à la place de l’idée de justice ; il est vrai, et c’est ce que l’on n’aura jamais ni assez dit ni assez cru. Mais il faut dire aussi et aussi croire que le christianisme est tout pénétré de Platon. Il part d’un principe qui n’est pas répandu dans tout Platon, qui n’est pas dans Platon autant que l’on voudrait qu’il y fût, qui n’est pas assez dans Platon, mais qui est bien platonicien, l’idée de fraternité. Platon a dit : tous les citoyens d’une môme patrie devraient être frères dans le sens littéral du mot et plus même que les fils d’une même mère n’ont accoutumé de l’être ; le christianisme a dit : tous les hommes