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la danse macabre

Et des femmes descendent en immense file,
On n’en voit pas la fin ; elles se mettent nues ;
Les croque-morts les ont saisies, leurs doigts agiles
À mesure dans les linceuls les ont cousues ;
Dans les cercueils béants une à une ils les couchent ;
Les fossoyeurs infatigables s empressant
Glissent les cercueils dans les fosses qu’ils rebouchent,
Et vont plus loin en creuser d’autres en chantant :
 — En voilà une,
 La jolie une,
 Une s’en va : hardi là !
 Deux revient : ça va bien !

Et les femmes sans fin, toujours dansant, s’élancent
Vers les croque-morts noirs dont s’allongent les bras,
Et sans fin la besogne étrange recommence.
Arlequin : — Don Juan, voici tes mille et trois
Et davantage, ô poursuivant inassouvi !
— D’où vient, ces femmes, qu’on les enterre, pourquoi ?
— Oh l’innocent ! c’est qu’elles ont déjà servi ;
Rassure-toi, elles resserviront encore :
Sont-elles pas toujours la même et qu’on nomme Ève ?
— J’ai vu et reconnu, c’est Ève et c’est la Mort,

Tout en valsant elles défilent comme un rêve,
Toutes, par la légende ou par l’histoire élues.
Ou que les spasmes du génie humain enfantent,

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