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LE MÉGHA-DOUTA

le Tchitrakoûta quelques mois, les deux bras dépouillés de ses bracelets abandonnés, il vit au premier jour d’Ashâtha[1] le sommet embrassé par un nuage, imitant la forme d’un éléphant, qui se joue, le front baissé, à donner contre un obstacle.

3.Il resta immobile un instant devant ce générateur de la fécondité des pandanes les plus odorantes, et, comprimant ses larmes en lui-même, le suivant du roi des rois tomba dans la rêverie. La vue d’un nuage peut changer les dispositions d’un homme au sein de la joie ; combien plus, quand c’est un amant, qui vit retenu loin de la bouche[2], où ses baisers aspirent.

4.La nuée s’étant approchée davantage, le banni, qui désirait soutenir la vie de sa bien-aimée avec des nouvelles portées de sa santé, eut l’idée de les envoyer par elle ; et, lui offrant un arghya, composé des fleurs du coraya, les premières nées de la saison, il adressa au nuage un bonjour, devant lequel ce demi-Dieu charmé fit marcher une expression d’amitié.

5.— Y a-t-il aucun rapport, dira-t-on, entre un message transmissible à des êtres, qui ont une âme avec de subtils organes des sens, et le nuage, qui est un simple composé de vent, d’eau, de lumière et de vapeurs ? Non, sans doute ; mais, emporté par un violent désir, il adressa la demande sans faire ces réflexions ; car un homme, que tourmente l’amour, se plaint naturellement à des choses insensibles comme à des êtres, qui ont des sens !

  1. Juin-juillet.
  2. Textuellement : du cou.