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résisté davantage, si elle avoit su l’arrivée de son père à Upton. Pour ce qui est de Jones, nous appréhendons fort qu’elle ne souhaitât plus qu’elle ne craignoit sa rencontre. C’est un aveu que nous arrache la force de la vérité. Nous avouerons pourtant qu’il eût été plus honnête à nous de dérober au lecteur la connoissance d’une foiblesse qu’il faut regarder comme un de ces mouvements involontaires de l’ame, auxquels la raison n’a souvent point de part.

L’hôtesse informée de la résolution des jeunes voyageuses, vint prendre leurs ordres pour le souper. Il y avoit dans la voix de Sophie, dans son air, dans ses manières une douceur enchanteresse. La brave femme persuadée que c’étoit Jenny Cameron, devint en un instant zélée jacobite, et fit des vœux ardents pour le succès des armes du prince Édouard, en reconnoissance de la bonté avec laquelle sa prétendue maîtresse l’avoit traitée.

Les deux cousines, restées seules, montrèrent une égale curiosité d’apprendre les événements extraordinaires qui avoient occasionné leur rencontre. Mistress Fitz-Patrick ayant obtenu de Sophie la promesse de lui conter à son tour son histoire, commença le récit de la sienne, que le lecteur lira, s’il veut, dans le chapitre suivant.