Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et avec d’autres femmes. Si dans une contredanse où nous figurions tous deux, je ne dansois pas avec lui, il devenoit sombre. Venoit-il à se rapprocher de moi ? il prenoit l’air le plus doux et le plus tendre qu’on puisse imaginer. Enfin, il me montroit en toute occasion une préférence si manifeste, qu’il auroit fallu que je fusse aveugle pour ne pas m’en apercevoir et… et… et…

— Et vous en étiez ravie, ma chère Henriette, dit Sophie. Pourquoi en rougiriez-vous ? ajouta-t-elle en soupirant ; on ne peut disconvenir qu’il n’y ait dans la tendresse que la plupart des hommes savent feindre, un charme irrésistible.

— Rien de plus vrai, répartit mistress Fitz-Patrick. Des hommes qui n’ont pas le sens commun dans tout le reste, sont en amour de vrais Machiavels. Faut-il, hélas ! que je l’aie appris à mes dépens ? Eh bien, je ne fus pas moins en butte que ma tante aux traits de la médisance, et quelques bonnes ames ne se firent point scrupule d’assurer que M. Fitz-Patrick avoit, en même temps, une intrigue galante avec nous deux.

« Ce qui vous surprendra, c’est que ma tante n’aperçut ni ne soupçonna rien de notre intelligence, quoiqu’elle fût, je pense, assez visible. Il semble, en vérité, que l’amour aveugle les vieilles femmes. Elles s’enivrent avidement de l’encens qu’on leur présente, et ressemblent à ces