Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à cause de son argent comptant. De grace, monsieur, prenez une fois en votre vie conseil d’un sot. Mariez-vous à la première qui voudra de vous. Pardonnez-moi la liberté que je prends, en faveur de mes vœux sincères pour votre bonheur. Je tirerai sur vous, par le prochain courrier, une lettre de change payable à quinze jours de date, à l’ordre de MM. Jean Drugget et compagnie. Je me flatte que vous y ferez honneur. Je suis, monsieur, votre humble serviteur,

« Samuel Cosgrave. »

« Telle étoit cette lettre. Figurez-vous, ma chère, le trouble où elle me jeta. Vous préférez la nièce à cause de son argent comptant. Ces mots furent pour moi autant de coups de poignard ! Je ne vous peindrai point les transports de rage auxquels je m’abandonnai. J’aurois voulu percer le cœur du perfide. Lorsqu’il rentra, la source de mes larmes étoit tarie ; mais on en voyoit encore la trace dans mes yeux humides et gonflés. Il s’assit avec un air de mauvaise humeur. Nous gardâmes l’un et l’autre un long silence. À la fin, prenant un ton hautain : « Madame, me dit-il, j’espère que vos paquets sont faits, car les chevaux de poste arriveront demain à six heures du matin. » Ce langage mit ma patience à bout, « Non, monsieur, lui répondis-je,